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Texte lu en finlandais par Arno Raphaël Minkkinen

Je dois faire des choses qui sortent de l’habitude. Je veux rencontrer du monde, ressentir des choses. Des choses qui font que je peux avoir peur, qui font que je dois me secouer. Je sais pas, où je peux avoir envie de gueuler. Que ça me fasse du mal ou que ça me fasse du bien, c’est ce qui fait que je me sens vivant.
Si je rentre dans une sorte de train train, je, putain je m’emmerde quoi, je m’emmerde comme pas possible, c’est affreux.
Je voyage aussi sans voyager, je rencontre des gens, je découvre des choses que je ne connaissais pas. On me raconte des histoires. C’est incontrôlable, je me retrouve dans des situations où je me serais jamais retrouvé, je ne sais pas ce qui va m’arriver, je ne sais pas du tout.
Avant, le matin, je me levais, putain, je me disais « pourquoi je me lève, j’ai pas envie d’y-aller ». C’était quelque chose de trop prévisible.

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Texte lu en Hébreu par Shira Igell

Ça bouge tous le temps, enfin ça fait un an que je bouge, j’ai envie de m’arrêter quelque part. J’ai envie de me poser. J’aime beaucoup l’indéterminé, ce que je ne connais pas, sortir de l’habitude.
Arriver dans un lieu, enfin pas tout de suite, au début je n’aime pas, je préfère rester seule, mais après j’aime bien. Ça nécessite une assise, c’est un aller retour entre, je pense, enfin ça peut être bien si on est bien assis. Quand ça ce n’est pas bon, je commence à partir dans tous les sens et à plus, plus me retrouver quoi. Tu peux dans ton quotidien repousser sans cesse les lieux, partir et je me rends compte que je n’ai pas besoin de partir loin.
Lorsque je suis arrivée dans ce pays je me demandais ce que foutais là quoi, enfin c’était vraiment, c’était assez violent, euh les quinze premier jours vraiment je me demandais ce que je foutais là, je sais pas comment dire, comme un cheveu sur la soupe, j’étais projetée là, dans un univers complètement différent, une langue différente, puis on sent un autre continent, c’est très fort. C’est plus grand, c’est plus vaste, le corps, la manière dont il bouge, c’est très surprenant.
J’étais un peu bouleversée, prise par le lieu et je me suis rendue compte qu’on pouvait changer de vie en trois mois, que c’était possible de se couper de sa vie d’avant. Si jamais tu décides d’arrêter de vivre avec une personne ou de quitter ton boulot, de sortir du cadre quoi, c’est possible, en trois mois tu peux reconstruire des choses, un nouveau début.
J’ai compris ça en rentrant et je me suis sentie projetée ici, j’arrivais dans un nouvel endroit, mon copain venait d’emménager dans une nouvelle ville. J’étais projetée dans ce nouveau lieu et encore une fois, qu’est-ce que je fous là ? Est-ce que c’est vraiment ma place ? Pour le coup c’est du nouveau. Et puis petit à petit tu t’habitues. L’habitude elle donne du sens, tu choisis ton habitude. Finalement j’ai choisi de rester. Après on est reparti ailleurs, quatre mois plus tard. Là ça allait car j’avais des repères dans cette ville. Et il a fallu encore s’arracher une nouvelle fois, déménager. Bon, contente de découvrir une nouvelle ville, de nouveaux lieux, une espèce de carte blanche, faire ses armes, faire des conneries. J’y suis restée trois jours et maintenant je me retrouve ici.

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Texte lu en français par Violaine Chaussonnet

Faire autre chose, être ailleurs, c’est comme un sas.
Me déplacer, prendre ma voiture et partir quelque part, voyager. Je vais d’un point à un autre ; il faut faire le voyage. Je prends mon temps, je dors un peu, je me promène. Je me promène, même si je sais que j’ai rendez-vous, j’y vais très doucement. Je dors quelque part, dehors, dans un champ.
Je bouge. Le mouvement vient parce que l’immobilisme est une angoisse, c’est pesant, routinier. C’est une angoisse énorme. Le moindre geste quotidien qui se répète c’est presque du dégoût.
C’est pour ça aussi que j’ai changé de ville, car je connaissais tout. Je connaissais tout les gens, je connaissais tout les bars, toutes les soirées, tous les trucs, qu’est-ce que tu voulais que je foute ? Je me suis cassé pour ça, même si finalement c’était un confort, parce que je ne voulais pas répéter les choses. A un moment ça devient insupportable.
Je peux pas rester là, je peux pas rester là, c’est pas possible, il faut partir. Il faut bouger, ne pas être immobile, apprendre. Je vaux mieux que ça, c’est pas possible, je dois faire quelque chose.
Je n’ai plus assez de place.
Avec mes amis, je suis toujours déçue, je voudrai qu’ils soient mieux, plus intelligents, plus compréhensif, qu’on soit plus proches. Je suis déçue, je vais voir ailleurs, les choses s’usent très vite. Je bouge, car autrement, je ne sais pas ce qui peut m’arriver.
Je ne sais pas ce que je fais là. Je ne voulais pas être chez moi, il fallait bien que je sois quelque part et ce quelque part c’est ici pour le moment. Je ne veux pas être dans ma vie là où je suis, je veux être ailleurs.

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Texte lu en allemand par Gregor Beltzig

Tu as besoin de trouver ta propre voie.
Je voyage beaucoup. Bouger de… Je voyage beaucoup parce que je cherche des histoires, des choses auxquelles m’intéresser.
Je n’ai pas encore trouvé un endroit qui me convienne, où je puisse m’installer quelque temps, me trouver une histoire et, et m’y accrocher. Venir ici, c’est comme le dernier arrêt avant de m’installer pour de bon.
J’ai tellement bougé, beaucoup, vraiment beaucoup. J’adore ça, mais… Je voyage tellement, rien n’est jamais finit, mais je veux quand même continuer. Je pense que c’est une chose excitante, une quête. Il y a tellement à voir… Je me dis que si je voyage beaucoup, je pourrai ensuite retourner à l’endroit qui me plait le plus et éventuellement m’y arrêter, pour de bon. Ce sera mon endroit.
Je ne veux pas m’installer, vivre quelque part et faire semblant d’être heureux car d’habitude c’est ce qui se fait, ce que tu es censé faire. Et je, je ne suis pas toujours heureux, la plupart du temps, pas heureux du tout, mais je, je me dis que j’ai le droit de chercher, d’aller à droite à gauche.
J’aime être un étranger, être nouveau aux choses.

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Texte lu en anglais par Lisa Wiltse

De quoi est-ce que je m’échappe ? D’une certaine façon… je fuis l’aliénation, je fuis ce sentiment. Je me sentais comme une étrangère lorsque j’étais dans mon pays et je me suis dit « il faut partir, car ce n’est pas bon d’être ainsi ».
Et alors je suis parti, en espérant que l’aliénation serait plus agréable. Bien sûre j’étais une étrangère là-bas et je suis restée une étrangère ici aussi. Donc c’est plus agréable de se sentir déconnectée dans un endroit où tu es l’étranger plutôt que dans ta propre maison.
Je me suis échappée, j’ai couru pendant deux ans. Je me sentais détachée, incomprise probablement.
Et ensuite dans mon pays je m’en allais de, je suis allée trois mois et demi dans le désert, car je m’enfuyais. A l’âge de vingt ans, j’avais une vie vraiment stable. Je suis tombée amoureuse d’un homme et nous avons été ensemble cinq ans. Nous vivions ensemble dans cette ville, je faisais mes photographies et il faisait ses trucs. Ensuite tout ça s’est fini, il m’a quitté, pour de très mauvaises raisons.
Au moment où il m’a quittée, je suis partie dans le désert pour trois mois et j’ai décidé que je devais passer à autre chose, parce que je suis trop sensible, je le sais. J’avais besoin de trouver un moyen de sortir de ce pays, je devais faire quelque chose de ma vie. Ce n’est jamais évident ; c’est évident pour toi de rester en vie ? Respirer, bouger, ça semble évident, mais pour moi ça ne l’est pas. Mourir, ça pourrait être une solution, je ne sais pas. Il n’y a pas de stabilité, maintenant je le sais.
Je ne veux pas être là-bas, j’en ai fini avec cet endroit. Là-bas ils me jugent, ils attendent beaucoup de moi. Je suis parti et ils attendent que ce soit pour quelque chose de mieux.
Tout bouge trop vite et de façon trop extrême. Je ne veux plus d’une relation, avec qui que ce soit. Je n’y crois plus. Je veux fuir, c’est vraiment un sentiment horrible, j’aime à être une étrangère. Me sentir étrangère chez moi, c’est mauvais.

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Texte lu en italien par Camilla Pongiglione

Je me force à faire des choses, je ne le ferais pas sinon. Ce que je veux, je le rends possible. Je fuis la vie normale, ça me permet de rester intéressante, jeune, je ne sais pas, ça m’autorise à ne pas être raisonnable.
En ce moment je suis ici. Je ne viens pas de là, c’est pas logique d’aller dans ce pays à 30 ans et de tout refaire… Je dois apprendre une langue complètement nouvelle, je dois tout recommencer depuis le début.
C’est plus intéressant de se mettre en danger. Lorsque je serai vieille, j’aurai des histoires à raconter. Je ne parlerai pas de tous ces jours où je devais aller au bureau et travailler. Ma vie est plus intéressante comme ça. C’est un moyen de faire des choses. Je m’autorise à faire des choses que je ne ferais pas autrement.
Je n’avais pas prévu de venir ici. Si demain je veux partir trois mois, si j’ai l’argent, je peux le faire. Et après coup personne ne me demandera pourquoi je suis parti là-bas. Je n’aurai pas à m’expliquer, à trouver des solutions pour justifier ce flottement.